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POUSSIÈRES DE ROCHE, 2024 

Les premières lueurs du matin filtraient à travers un voile de brume. Le bateau tanguait et les contours des îlots se dessinaient au loin. On naviguait vers les Îles Chausey, éparpillées dans la Manche et façonnées par les plus grands marnages d’Europe. La marée isolait temporairement les terres par ses ceintures d’eau vive. À l'approche du port de la Grande-Île se dressent des anciennes carrières. À la base des falaises, les éclats d'abattage y sculptent des paysages énigmatiques. Pendant des siècles, les îles ont été exploitées pour leur granodiorite, une roche plutonique formée par la solidification lente du magma à l’intérieur de la terre. 


Aujourd’hui encore, l’archipel attire et fascine. J’ai suivi une équipe d’archéologues qui y sondait un site protohistorique. Je les ai observés creuser, fouiller, retourner la terre, prélever des fragments, des os, des artefacts, des pierres. Leur recherche alimentait mon attraction pour la matière. Elle est devenue l’objet d’une fouille imaginaire, le lieu de projection de paysages intérieurs où l’eau profonde se retire, les sédiments affleurent et les roches dessinent des motifs de veines et de cristaux. Gaston Bachelard, dans La poétique de l’espace,  parle d’un double mouvement par lequel l'imaginaire transforme la matière en rêves, et l'invisible se révèle dans le tangible. À la surface, sous la terre et dans l’écume de la mer, j’ai cherché cette frontière mouvante où souffle une possible “immensité intime ” des mondes.

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